Du Concerto en ut mineur K 491 de Mozart
& de l'analyse musicale en général

I - Comment analyser une œuvre d'art ?

C'est un des éléments structurels de la société et de la civilisation où elle apparaît. C'est une production humainement destinée à provoquer une émotion esthétique. Il faut donc :

Non seulement étudier le compositeur, sa personnalité, son caractère, ses idées religieuses et politiques, le moment de sa vie où il compose son œuvre, son milieu social d'origine et celui dans lequel il vit ; non seulement déterminer le genre de sa composition, en quoi celle-ci diffère des œuvres de même genre qui la précèdent, sa formation instrumentale, sa couleur mélodique, harmonique et rythmique...

Mais encore, et c'est sur quoi je veux insister aujourd'hui, sa signification humaine et / ou le ressenti de ses auditeurs depuis sa création jusqu'à nos jours, et comment soi-même on en perçoit la beauté.

 

II - Mozart et son Concerto pour piano n° 24 en ut mineur K. 491

A)- Le compositeur

1- Sa personnalité

Mozart à 33 ans lorsque ce portrait de lui est brossé en 1789. Sa physionomie est ouverte, spirituelle, le regard aigu témoigne d'une intelligence et d'un esprit critique hors pair. Sa bonté est légendaire. Il est attentif et bienveillant aux jeunes, toujours prêt à rendre service. Il écrit deux quatuors pour Haydn qui les signe : celui-ci n'arrive pas à fournir son mécène. Désintéressé au plus haut degré, Mozart ne supportait pas qu'on fasse du bruit quand il jouait ; il connaissait sa valeur. Depuis 1771, il ne dépend plus d'aucun mécène. Il inaugure la condition du pianiste et compositeur vivant de son travail.

Deux ans avant la composition de son 24e concerto, il épouse Constance Weber, une parente du futur compositeur, alors qu'il est amoureux de sa sœur. Ce mariage, en 1782, ne plaît ni à son père ni à sa sœur: Lui-même ne va pas au mariage de Nannerl qui épouse un veuf chargé d'enfants. Mozart et Constance perdent leur premier né en 1883. Le compositeur s'éprend de Thérèse von Trattner en 1784, alors que naît son second fils. Bourrasque familiale. Tempête conjugale. Le concerto en ut mineur est l'œuvre de ces conditions privées.

Mozart est un bon vivant, doué d'un dynamisme extraordinaire malgré une santé incertaine. Il adore boire du punch, jouer au billard, se déguiser en Arlequin, dire des grossièretés. Il meurt d'envie devant ce qu'il ne peut pas se payer : vêtements, truites fumées des Alpes. « Je voudrais avoir tout ce qui est bon, pur et beau ». Cela ne l'empêche pas d'être un travailleur acharné. Il compose dans sa tête tandis que ses mains et ses paroles font ou disent autre chose.

En 1788, il dirige les répétions des Noces de Figaro, assure une reprise d'Idoménée, donne 22 concerts entre février et avril ! Et pendant le même temps il compose quatre concertos pour piano et un quintette, le meilleur de sa production selon lui.

2 - Ses idées religieuses

Mozart est catholique. Il est pieux, surtout depuis qu'il a épousé Constance, très assidue aux offices. Mais il vit dans cette Europe des Lumières où Voltaire milite pour écraser « l'Infâme ». Donc Mozart adhère à la Franc-maçonnerie en décembre 1784, dans la Loge viennoise de La Bienfaisance. Il se convertit littéralement à l'esprit progressiste, rationaliste, prérévolutionnaire socialement et politiquement. Il passe sans s'attarder du stade d'Apprenti à celui de Compagnon, puis à celui de Maître. Epris de liberté, d'égalité, de fraternité, d'un travail en commun pour le progrès de l'humanité, il est proche de l'Aufklärung et du Sturm und Drang. Il entraîne Joseph Haydn et son propre père Léopold dans la Franc-maçonnerie. Les classes se mélangent dans les loges comme nulle part ailleurs. Les lettres franc-maçonnes de Mozart à son père Léopold ont été détruites, comme d'autres sur ce sujet.

Le voici avec son insigne, la fameuse équerre du bâtisseur qui oblige à la rectitude morale.