Musique et société
Michel Faure
Son regard sur l'Histoire sociale de la Musique
D/ Le thème de l'Andante sostenuto
Ce troisième et dernier thème de la sonate occupe une quinzaine de mesures (332-347) Ses apparitions sont encore plus rares que celles du Grandioso. Sa tonalité de fa # majeur, est l'une des plus richement diésées. Pour Messiaen, et sans doute pour Liszt aussi, cette tonalité est synonyme de lumière céleste et de providence divines. Cet andante chante, à partir d'un do # dont nous avons dit plus haut l'importance, une prière qui s'élève par sauts de quarte, de quinte, de septième (do #- fa # ; sol #- ré #-; fa #- mi # ; si #- la #, pour retomber sur sa note initiale, do .
Les motifs @' et @ lui succèdent, tous deux à nouveau transfigurés et redevenus sublimes. Pourtant le thème de la Toute-puissance éclate, cette fois-ci brutal, comme colère, si bien que @ lui répond sur le même ton. En ouvrant largement sa septième sur plus de trois octaves à deux reprises (mesure 386 et 390), il hurle et crache sa rage en triples et doubles croches furieuses.
La petite espérance de rien du tout intervient. Mesure 398, elle chante, plus convaincante cette fois-ci car propulsée vers les hauteurs du clavier par d'immenses arpèges, et toujours dans la lumière de fa #. Nos motifs antagonistes semblent à présent se rapprocher l'un de l'autre, car le petit @' emprunte à son adversaire tout en le retournant, son saut de septième descendante (mesures 441 et 470).
III.- La réexposition de la sonate et son énigmatique fugato
La réexposition de ses thèmes, caractéristique obligée de la forme sonate, n'a rien à voir ici avec ce qu'elle aurait été dans une sonate classique. Elle nous remet bien en mémoire les gammes descendantes de l'introduction. Mais celles-ci ne descendent plus à partir de sol, neuvième de dominante du ton de si mineur, mais à partir de fa#, la dominante de ce ton. Voici la première ( mesure 454-55) qui a pour structure 2 fois 1 tons + 1/2 /ton + 3 fois 1 ton + ½ ton. Sa structure est exactement celle de la gamme initiale ( cf. mesures 2-3).
La deuxième est au contraire une gamme tzigane comme au tout début de la sonate, mais très différente de la première. Elle est plus simple : 1 fois 1 ton +1/2 ton + 2 fois 1 ton +2 fois ½ tons + 1 ton½ , soit une seule seconde augmentée au lieu de deux. Trois gammes donc jusque là. En comptant la dernière, cela fera quatre .gammes originales dans cette sonate, et toutes descendantes. Qu'est-ce à dire ? Liszt donne-t-il raison aux Anciens qui ne croyaient pas au progrès ? Rejoint-il Baudelaire qui au moment où Liszt achève sa Sonate en si définit le progrès comme « une diminution de l'âme et une domination progressive de la matière » ? Nous aurait-il devancé en ne croyant plus à ce mythe ?
Un détail encore, astucieux. Dans cette réexposition, le thème de la dualité humaine n'est pas ré-exposé en si mineur, comme le voudrait la grammaire, mais en sol bémol, tonalité enharmonique de fa # majeur, dominante de si. Et les motifs @ et @' qui initialisent l'Allegro, sont bien présents (mesures 460 et suivantes) dans
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