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   Musique  et  société

Michel Faure
Son regard sur l'Histoire sociale de la Musique

Nous le retrouverons. Il est omniprésent dans la sonate, beaucoup plus que ne l'est le second élément de ce premier thème. De ce motif @' voici le contour mélodique dont l'ambitus ne dépasse pas l'intervalle d'une quinte :

La sonate de Lizst - quinte

Un triolet de triples croches l'amorce, suivi de la même note piquée répétée quatre fois. Il piétine au-dessous de la clé de fa.  En marge, il bougonne, il griffe, il mordille les chevilles du géant musclé aux pieds duquel il se trouve. Il attend. Il interroge. Souhaite-t-il attirer l'attention ? Voudrait-il se hisser hors de sa condition pour voir lui aussi le soleil ? Pour l'instant, sa mauvaise humeur ne menace que vainement le @ qui tient le haut du pavé.

Je ne peux m'empêcher de voir dans ces deux éléments du thème initial de la Sonate en si les classes antagonistes des sociétés du XIXe siècle que déchire la révolution industrielle : d'un côté ceux qui dirigent et commandent, de l'autre les plébéiens qui travaillent et courbent l'échine. Comme je vois chez Liszt, l'habitué des salons du Faubourg Saint-Germain et des cours princières et celui que son prénom à placé sous le patronage du Poverello d'Assise et auquel un petit village inconnu de Hongrie a donné le jour. Nonobstant son snobisme, il aime le peuple. La révolte des canuts de Lyon écrasés en 1831 et en 1834 l'émeut au point qu'il leur dédie une page pianistique et c'est en hommage aux quatre mille morts de juin 1848 qu'il compose ses grandioses Funérailles.

Poursuivons. Si révolutionnaire qu'elle soit, la Sonate en si mineur respecte les règles de son genre. Elle commence par un allegro, avec ici l'exposition du thème de la dualité humaine puis un second thème qui apparaîtra mesure 105 en majeur, soit dans la tonalité relative de si mineur comme le veut la grammaire, Et, conformément à la tradition, nous retrouvons ce second thème en si majeur dans la réexposition, mesure 600 et suivantes, Le voici. C'est, selon moi,

La sonate de Lizst - grandioso

C/ le thème de la Toute-puissance impériale ou divine

le thème de la manifestation sonore de l'Absolu. Comme il se doit, ce second thème de la sonate éclate, grandioso, avec sa mesure 3/2 et ses magnifiques accords de six notes, nuance double et triple forte qu'exagèrent encore un sforzando, puis un crescendo. On croirait entendre, dans une cathédrale, un choral joué aux grandes orgues. D'ailleurs, le point de départ de sa mélodie est un LA plusieurs fois répété, note que les Anciens reliaient à Jupiter, le dieu des dieux de l'Olympe, bien avant qu'elle soit devenue la note référence de notre diapason, Au vu de ses basses qui s'enfoncent alors que sa mélodie ternaire est ascendante – la, si-si ; ré, mi-mi ; sol, la-la – (le Père, le Fils, le Saint-Esprit ?), il s'élargit.

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