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   Musique  et  société

Michel Faure
Son regard sur l'Histoire sociale de la Musique

 

Et voici la cinquème variation du Final de notre 24ème concerto. C'est la plus étonnante. On dirait que Mozart oublie complètement son thème initial pour le plaisir d'une séquence contrepoint sérieux. Il vient d'avoir la révélation du style de Jean-Sébastien Bach au printemps de 1782. Pourtant nous restons dans le domaine de la variation. Mes flèches rouges et vertes aident à s'en convaincre. Le soliste interrompt cette méditation et, tandis que sa ma droite imite les trompettes et ré-entonne le chant de victoire de la variation précédente, sa main gauche se déchaîne. Ses doubles croches en rafale évoquent pour moi celles de la 11ème étude de l'opus 10 de Chopin. La force du peuple érigeant des barricades et abolissant l'ancien monde ? « Tyrans, descendez au tombeau » ? Que naisse enfin une société où prévaudront l'égalité et la liberté pour tous comme c'est le cas pour les voix du contrepoint utopique que Mozart vient d'esquisser ? Mozart ose cet invraisemblable mélange, comme s'il voulait que coexistent harmonieusement les différentes et conflictuelles ethnies, religions, cultures et conditions sociales dans une Europe révolutionnée. En tout cas, il se montre ici précurseur. Beethoven conclura par une fugue sa sonate op. 110 et Liszt sa sonate en si mineur par un contrepoint satanique.

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Mélodie carrée, rythme musclé, gammes et arpèges du piano virtuose. Une société même renouvelée ne peut se passer d'ordre, d'énergie, de divertissement sportif et de participation citoyenne. Il est normal que Mozart ait ici laissé à son interprète la liberté d'inventer sa propre cadence. Je m'étonne d'ailleurs que les concertos classiques d'avant 1789 offrent tant d'exemples, au sein d'une forme aux règles solidement établies, de ces espaces de liberté et d'expression individuelle que sont les cadences. Il est tout de même curieux que celles-ci disparaissent des concertos postrévolutionnaires. Beethoven, Chopin, Liszt, Schumann, Mendelssohn, Tchaïkovski… écrivent-ils les leurs, par méfiance des interprètes qui risqueraient d'en gâter la sublimité?

Enfin voici la huitième, l'ultime variation de ce troisième mouvement du concerto en ut mineur de Mozart. Son thème est chromatique, comme l'était celui de la première variation. Souci de cohérence compositionnelle ? Probablement.

Le thème initial revient avec la variation suivante. Mélodie carrée, rythme musclé, gammes et arpèges virtuoses au piano. Une société, même renouvelée ne peut se passer d'énergie ni de divertissement. En témoigne aussi la cadence qui, d'improvisée qu'elle était jusque là par l'interprète, commence à être écrite et fixée.

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