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   Musique  et  société

Michel Faure
Son regard sur l'Histoire sociale de la Musique

 

Colère ? Alarme ? Rébellion ? Constat d'un vécu insupportable et volonté de le changer ? Je lis, j'entends ici une atmosphère prérévolutionnaire : souffrance, violence retenue, besoin évident de faire exploser l'establishment.

La première portée nous livre la façon dont Mozart pianiste interprétait ses concertos. Aujourd'hui, l'orchestre attaque seul ce thème A. Mozart, lui, réalisait au piano la basse encadrée d'orange qui était chiffrée. Il perpétuait une tradition issue du concerto grosso où le soliste jouait constamment ou presque. On ne s'étonne pas que Mozart dise que plusieurs de ses concertos le mettaient « en nage ».

Tension croissante, volontarisme, fureur. Le quintette à cordes joue les premières mesures de ce thème avec les bassons, vite rejoints par les hautbois, les clarinettes et les cors. De façon audacieuse, Mozart donne aux vents une importance qui annonce la musique postrévolutionnaire. il fait également appel aux trompettes et aux cymbales. Les sauts de septième s'élargissent en sauts d'octave. Ils s'énervent chromatiquement en vert : la bémol, la bécarre, si bémol, si bécarre, do... Remarquez la triple répétition probablement maçonnique des notes encadrées de violet qui précèdent ces sauts mélodiques. Puis écoutez ces guirlandes de notes descendantes confiées à la flûte et aux cordes. Avec leur tonalité de mi bémol majeur ( relative de celle d'ut mineur ), elles contribuent au changement de couleur sentimentale de la musique.
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Avant que le soliste n'entre en scène, l'usage voulait que le prélude le prélude orchestral présente les deux thèmes du concerto. Ici, il ne présente que le premier. Le thème B n'apparaîtra que plus loin, sous les doigts du pianiste. Mais le prélude orchestral l'annonce. Le contour mélodique du thème B reprendra ces guirlandes de notes en mi bémol majeur cerclées d'orange, ainsi que ces notes répétées qui s'envolent en violet et en vert. Pour l'instant, le thème A reprend son discours de colère aux rythmes pointés.  :
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Le soliste fait son entrée. Il se dispense de répéter le thème A, comme l'orchestre s'est dispensé d'énoncer le thème B. Il tente d'en calmer la colère. Avec ses blanches pointées, ses notes contiguës dont la descente est stoppée par trois, puis par cinq noires identiques, il aspire visiblement à la paix.
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Mon interprétation se réfère fidèlement à Diderot. Ce philosophe contemporain de Mozart qu'on commence à reconnaître comme le plus important de son siècle souligne le dynamisme symbolique des lignes mélodiques ascendantes, la tristesse ou la mélancolie des lignes descendantes, le caractère douloureux du chromatisme, la fraternité chaleureuse des notes conjointes. Cette paix que le piano appelle de ses vœux serait-elle celle d'une société révolutionnée ? Ne s'épanouit-elle pas dans le second thème que voici ? A entendre ce thème B après les secousses et les souffrances du thème A, quelle joie ! Quelle harmonie !

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