3- Ses idées politiques
L'Europe est alors pleine transformation économique et mentale sous l'égide des philosophes et des despotes éclairés. La révolution industrielle démarre ; les premiers syndicats ouvriers apparaissent en Angleterre. Louis XVI abolit la torture et supprime le servage sur le domaine royal, l'Angleterre échoue à mater la révolte de ses colonies américaines. Joseph II succède à sa mère Marie Thérèse en 1781. Il est bigotement catholique, mais il est aussi franc-maçon. Il n'accepte pas que le Pape fasse la loi dans l'Empire. Il abolit le serment d'obéissance au Saint Siège. Il exige que les offices soient dits en allemand. Il tolère les religions non chrétiennes. Il juge les moines inutiles et élimine plus de 700 couvents. Il supprime le serment universitaire de croyance en l'Immaculée Conception. Mozart partage ses vues. : « Nul monarque au monde que je serve plus volontiers que l'empereur », dit-il. En revanche pas question de mendier quelque service que ce soit et les inégalités de rang et de fortune blessent Mozart. Le talent, selon lui, vaut bien plus qu'un titre de noblesse.
D'où l'intérêt qu'il porte à Beaumarchais. Voici une édition du livret italien des Noces pour la représentation de cet opéra à Prague, en 1786. Mozart, en effet, est à la recherche d'un livret d'opéra. Il souhaiterait un texte en allemand. Mais l'opéra italien, à Vienne, est le seul qui ait les faveurs du public. Le compositeur rencontre Da Ponte en 1783. Da Ponte, de son vrai nom Emmanuel Conegliano, est né en 1749 près de Venise. Ayant reçu les ordres mineurs, il enseigne la rhétorique et la musique au séminaire de Trieste. La mort le surprendra fabricant des spiritueux en Amérique ! Mozart et lui décident de composer un opéra à partir du Mariage de Figaro. L'œuvre date de 1783. Elle est immédiatement devenue célèbre. Ses éditions en allemand se multiplient dans les années qui suivent.
Beaumarchais (1732-1799) est un talent hors pair, un affairiste touche-à-tout, un écrivain à ses moments perdus. Il trempe dans le trafic du « bois d'ébène », c'est-à-dire la traite de noirs. Il est mandaté par Louis XV pour récupérer des pamphlets contre Mme du Barry et pour acheminer des armes aux rebelles américains. Il s'occupe de l'adduction d'eau à Paris. Son Barbier de Séville (1775) que Louis XVI juge « détestable et injouable » est représenté à Trianon en 1784. Marie-Antoinette, la sœur de Joseph II, joue le rôle de Rosine, et le comte d'Artois futur Charles X, celui de Figaro. Inconscience ? L'auteur est embastillé cinq jours, ses partisans sont trop nombreux et trop puissants pour qu'il le soit davantage. À Vienne, Paesiello, un des amis les plus chers de Mozart, compose un Barbier de Séville en 1784. L'année suivante, en six semaines, le nouvel opéra de Mozart et de Da Ponte est achevé et le librettiste parvient à faire lever l'interdiction de Joseph II. La création a lieu dans la capitale impériale, le 29 avril 1786.
On connaît l'intrigue : il s'agit d'un duel symbolique entre un roturier et un aristocrate et, même si les choses s'arrangent, la révolution sociale sort victorieuse au baisser du rideau. Succès. Cabales. Neuf représentations seulement ! On devine dans quel état d'esprit se trouve Mozart quand, cette année-là, il compose ses deux concerti pour piano, le K 488 et le K 491 qui nous intéresse.
B/ Ses concertos pour piano et orchestre
On compte au total vingt sept concertos pour piano de Mozart, mais celui-ci n'a pas seize ans lorsqu'il écrit ses quatre premiers, lesquels ne sont d'ailleurs que des transcriptions-pastiches de concertos existants. Mais qu'est-ce qu'un concerto ? Et d'où vient cette forme ?
1- La forme « concerto »
L'invention de la forme du concerto (dialogue entre un instrument soliste et un orchestre) est l'œuvre de trois italiens : Torelli, Corelli et Vivaldi, morts respectivement en 1709, en 1713 et en 1741. C'est à ce dernier surtout que l'on doit la structure en trois mouvements du concerto et sa virtuosité qui culmine dans la cadence et qui doit beaucoup à celle des castrats. Le violon comme instrument soliste laisse assez vite la première place au pianoforte. Le florentin Cristofori invente cet instrument en 1709, en remplaçant les sautereaux du clavecin par des marteaux et Silberman lui adjoint la pédale qui soulève à volonté tous les étouffoirs. Jean-Sébastien Bach, particulièrement attentif aux modifications apportées de son temps au clavecin, est convaincu par ce pianoforte nouveau et l'adopte trois ans avant sa mort en 1750.
Posons-nous quelques questions. Pourquoi le concerto de soliste succède-t-il au concerto grosso où plusieurs instruments vedettes dialoguaient avec un orchestre de chambre, comme dans les Brandebourgeois de Bach (1721) ? Je mettrais volontiers cela en rapport avec les progrès de l'individualisme au XVIIIème siècle. Les Confessions que Rousseau commence à écrire et à lire dans les salons à partir de 1770 en sont un bon révélateur. Mais pourquoi trois mouvements et trois mouvements dans la sonate classique ?
La Suite qui est leur ancêtre commun en possédait 5, 6, 7... Et la sonate et le concerto, au XIXème siècle, en compteront souvent au moins quatre. Donc pourquoi TROIS mouvements dans le concerto du siècle des Lumières ? Le trois est le chiffre de la stabilité. Il est le chiffre de la Trinité, celui de la triade franc-maçonne. Musicalement parlant, il permet l'alternance des tempi − rapide, lent, rapide. J'ose ajouter une autre hypothèse.
2- La signification sociale des trois mouvements dans les concertos et les sonates classiques ?
a) Le 1er mouvement est plutôt rapide, de style majestueux, sinon autoritaire. Voyez l'allure martiale de ces mesures binaires. La tonalité majeure s'affiche d'emblée : tonique, dominante. L'Ordre social dominant ? L'establishment aristocratique, si establishment il y a, ne souffre guère de contestation.
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