Musique et société
Michel Faure
Son regard sur l'Histoire sociale de la Musique
Enfin, pour Debussy, conclure son Children's corner par un morceau qui ouvrirait sur l'avenir puisqu'il l'avait commencé en regardant du côté de Clementi et de ses cent études au titre latin ne manquerait pas d'allure. Golliwogg's cake walk fut cette coda.
Mesure à deux temps, main gauche marquant vigoureusement les pas réguliers de la marche, nombreuses syncopes accentuées conduisant par un incisif et bref crescendo à un brutal sff. Plus cakewalk, tu meurs !
En outre, les facéties du cakewalk sont là : main gauche jouant à saute-mouton par-dessus la main droite, notes piquées, demi-soupirs déchirant la musique, appogiatures en petites notes, nuances
contrastées : tout cela pour faire sourire l'interprète juvénile et l'auditeur sans préjugés. Survient la citation du Tristan et Isolde de Wagner (1865). Surprise, interrogations, mystère...
Debussy note au-dessus de la première apparition de ce thème : p, avec une grande émotion. Changement total de registre en effet. Le saut de sixte des violoncelles wagnériens suivi de ses deux demi-tons descendants est là, avec la mélancolie douloureuse de leur mineur et de leur chromatisme (la et fa naturels chez Debussy, puis mi bécarre et mi bémol ; chez Wagner, la, fa, mi, ré dièse, puis ré bécarre si l'on veut bien prendre en compte l'accompagnement). Certes l'accord de Tristan n'est pas là, mais la noire pointée du thème suivie de sa croche est présente.
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